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Photo du rédacteurMorane Gillet

Véganisme et allaitement

Le véganisme étant un mode de vie et d’alimentation peu conventionnel, excluant toutes formes de produit animal de ceux qui l’adoptent, il est normal de se questionner sur sa viabilité et son adaptabilité aux différents stades de la vie.

La littérature scientifique à propos de l’allaitement chez la maman végane existe, et est variée.

La femme allaitante est une personne devant faire doublement attention à ses ingestas étant donné qu’ils impacteront sa santé mais aussi celle de son enfant. Il n’est donc pas question à cette période de faire des expérimentations alimentaires et risquer la santé de la maman ou du bébé. Tout comme on ne suivrait pas un régime amaigrissant durant son allaitement, on ne suit pas un régime alimentaire qui ne serait pas adapté.

On peut donc se demander si le végétalisme est adapté à l’allaitement.

Pour le savoir je vais analyser les besoins de la femme allaitante, et ensuite voir si avec les options qu’offre le régime végétalien nous pouvons y répondre.

Dans ce travail de recherche je m’appuis sur plusieurs articles scientifiques à première vue contradictoires mais qui, finalement, se rejoignent.


I. Les besoins nutritionnels de la femme allaitante

Pour savoir si l’allaitement est compatible avec un mode d’alimentation végétalien il est important de savoir quels sont réellement les besoins physiologiques d’une femme allaitante. C’est ce que nous allons voir ci-dessous. Je vais m’attarder uniquement sur les macro et micronutriments qui peuvent sembler problématiques car par exemple, une femme végétalienne ne rencontrera aucunes difficultés à satisfaire ses besoins hydriques ou glucidique du fait que ces éléments ne sont pas apportés par des produits d’origine animale.

Cette première partie est réalisée grâce au tableau de justifications des besoins de la femme allaitante, réalisé par une professionnelle de la santé et d’études scientifiques.


1.1. Énergie, eau et fibres


Les besoins en énergie d’une femme allaitante s’élèvent à son AET (apport énergétique total) de base auquel on ajoute 2100KJ ce qui est justifié par le fait que l’allaitement demande beaucoup d’énergie et de ressources au corps dû à la lactogénèse.

Une alimentation hypoénergétique entraine de l’épuisement et toutes sortes de carences préjudiciables à la mère et à l’enfant qui risquerait de ne pas recevoir tous les nutriments nécessaires.

Les besoins en fibres sont les mêmes que pour la femme de référence, 30g par jour, la moitié sous forme soluble et l’autre moitié sous forme insoluble. Les fibres permettent d’améliorer le transit et de réguler la faim ce qui est pratique en cas de fringales (elles sont fréquentes chez la femme allaitante). On retrouve les fibres en grandes quantités dans les fruits, légumes et les légumineuses. Celles-ci ne posent donc pas de problèmes dans le régime végétalien.

Une carence en fibre entraînerait donc de la constipation et des inconforts digestifs, une augmentation du cholestérol circulant et une satiété de courte durée.


1.2. Les macronutriments


Les besoins en protéines de la femme allaitante sont plus élevés pour permettre la cicatrisation post-partum des tissus et l’apport des acides aminés essentiels en quantité suffisante.

Elle passe donc de 10 à 20% de l’AET à 12 à 20% de l’AET pour une femme ayant un régime omnivore. Cependant certaines études préconisent une augmentation de 10% des protéines chez la femme enceinte et allaitante végétalienne.

Avec l’alimentation nous pouvons apporter des protéines grâce aux animaux mais aussi aux végétaux. Les protéines animales étant naturellement mieux assimilées que les protéines végétales, chez le végétalien il faudra veiller aux facteurs limitants de celles-ci pour éviter toutes carences.

Le soja et ses dérivés, certaines céréales (sarrasin et quinoa), le lupin, et les graines de chanvre contiennent tous les acides aminés essentiels dans une proportion similaire à celle des aliments d'origine animal, et leur consommation devrait être encouragée.

Des portions supplémentaires de céréales, d'aliments végétaux riches en protéines (légumineuses, lait de soja, yaourt de soja, tofu, tempeh) et de noix et de graines devraient être consommées par les femmes végétaliennes pendant l'allaitement pour répondre aux besoins accrus en protéines.

Les lipides sont très importants car ce sont les cofacteurs des vitamines liposolubles (ADEK), et ils permettent la synthétisation des acide gras essentiels par le corps.

L’organisme a besoin d’acides gras saturés, acides gras mono-insaturés et d’acide gras polyinsaturés. Nous retrouvons tous ces types d’acides gras dans l’alimentation végétale (huile d’olive, huile de tournesol, huile de coco...).

En ce qui concerne les acides gras oméga-3, un régime végétalien bien planifié devrait satisfaire les besoins de la femme allaitante. Cependant le régime alimentaire de la femme allaitante doit contenir deux portions quotidiennes d'aliments riches en oméga-3 afin de répondre aux besoins.

On retrouve des w3 dans les graines de lin moulues et l'huile de lin, les graines de chia moulues et les noix par exemple.

Pour maintenir un rapport oméga-6/oméga-3 satisfaisant les huiles riches en oméga-6, les graisses trans (margarine) et les huiles tropicales (huiles de noix de coco, de palme) riches en acides gras saturées doivent être limitées.

Le besoin en DHA pendant l'allaitement est augmenté, toutes les femmes allaitantes, y compris les végétaliennes, devraient prendre 100 à 200 mg de DHA par jour. Le DHA dérivé d'algue est une bonne alternative pour les femmes végétaliennes.


1.3. Les micronutriments


Le fer dans les aliments végétaux se trouve sous la forme non héminique, qui peut être absorbé de manière plus variable que le fer sous la forme héminique que l'on trouve dans la viande, le poisson et leurs dérivés (biodisponibilité de 1-34% et de 15-35%, respectivement). Cependant, seule l'absorption du fer non héminique est soumise à une régulation homéostatique, ce qui peut protéger les végétaliens de la surcharge en fer, facteur de risque de maladies cardiométaboliques.

Les facteurs alimentaires et les pratiques de cuisson peuvent influencer l'absorption du fer non-héminique.

La vitamine C, le carotène et le rétinol augmentent la biodisponibilité du fer non héminique il est donc intéressant de consommer un aliment riche en vitamine C en même temps que son aliment source de fer.

Le trempage des haricots et des grains, le levage aigre, la fermentation et la germination augmentent la biodisponibilité du fer non héminique en réduisant les phytates, qui séquestrent le fer.

Le calcium est très important car il entre dans la composition du lait maternel, dans la minéralisation osseuse et beaucoup d’autres mécanismes. Les besoins en calcium sont de 950mg/jour et ils peuvent être satisfaits dans un régime végétalien en choisissant des aliments végétaux riches en calcium. Grâce à la plupart des légumes à feuilles vertes, des légumes crucifères, des graines de sésame, des amandes, des laits et des yaourts enrichis à base de plantes, du soja, du tempeh, et des figues séchées. Le calcium de l'eau a une biodisponibilité élevée, de sorte que l'eau du robinet et l'eau minérale riche en calcium (300-350 mg/L) peuvent également aider les végétaliens à atteindre leurs besoins quotidiens.

La vitamine D participe à la constitution du lait et des hormones de croissances, il est recommandé d’en consommer 15 microgrammes par jour. Le taux en vitamine D de l’organisme dépend surtout de l'exposition au soleil et de la supplémentation plutôt que de l'apport alimentaire. Les besoins augmentant chez la femme allaitante, il est conseillé de prendre une supplémentation de 1000-2000 UI/jour.

La vitamine B12 est la vitamine qui peut faire le plus de dégâts chez la mère et chez l’enfant, si son taux n’est pas respecté. Il est obligatoire pour les mères végétaliennes de se supplémenter pour ne pas risquer la santé de leur enfant.

Une étude sur l’allaitement maternel et le végétalisme (Wagnon, J., Cagnard, B., Bridoux-Henno, L., Tourtelier, Y., Grall, J. Y., & Dabadie, A. (2005). Breastfeeding and vegan diet. Journal de gynecologie, obstetrique et biologie de la reproduction, 34(6), 610-612.

) a montré qu’une carence en vitamine B12 chez la mère pouvait causer des troubles neurologiques grave à l’enfant allaité, qui pouvait garder un retard mental à vie. Il est donc primordial de sensibiliser les communautés végétaliennes au fait de se supplémenter en B12, au risque de porter à la santé de leurs enfants.



II. Adaptation des besoins à une alimentation végétalienne


Une alimentation végétalienne est complétement différente d’une alimentation conventionnelle, au niveau des portions et des aliments. Pour définir ce que devrait manger une femme végétalienne allaitante, je vais m’appuyer sur le Vegplate (annexe 1), qui est un guide alimentaire végétarien en forme d’assiette conçu pour respecter les ANREF (apport nutritionnel de références) italiens et américains pendant la grossesse, l’allaitement et la petite enfance en utilisant seulement des aliments à base de plantes.

Grâce à cette méthode, un régime végétalien équilibré est présenté aux professionnels de la santé sur lequel ils peuvent s’appuyer.

Le diagramme des portions VegPlate explique combien de grammes exactement correspondent à une portion de céréales, de légumineuses, de légumes...

Les portions sont légèrement différentes dans le cas de la grossesse et de l'allaitement, il existe donc un tableau dédié à cette population.

Les portions varient en fonctions des besoin énergétiques de la patiente comme vous pouvez le voir en annexe 2.

Nous pouvons retrouver sur leur site la correspondance pour une portion de chaque groupe d’aliments, ce qui est très pratique pour la population concernée.


Une assiette végétalienne comprend donc : des céréales, des graines et du gras riche en oméga 3, des protéines des fruits, des légumes sans oublier une complémentation en vitamine D et B12.

Par exemple, un repas peut être composé :

- En entrée : d’une salade composée : kale, avocat, carotte râpé, tomate cerise, graine de courge et de chanvre avec comme assaisonnement une vinaigrette à l’huile de lin.

- En plat : Buddha Bowl : riz, lentilles, tempeh au curry, betterave et épinard.

En dessert : une salade de fruit : pomme poire raisin sec



III. Les études scientifiques défavorable à l’allaitement végane



En m’intéressant à ce sujet je suis tombé sur des articles scientifiques très alarmants.

À juste titre car dans l’un d’entre eux par exemple, on nous parle du cas d’un bébé de 9,5 mois qui est hospitalisé, car la mère végétalienne avait une alimentation déséquilibrée, ne se supplémentait pas et menait un allaitement exclusif de sa fille de 9,5 mois.

Cependant je ne pense pas qu’on puisse affirmer qu’un allaitement végétalien est dangereux en s’appuyant sur ce genre de cas. Des parents mal informés, n’ayant jamais reçu d’éducation sur les questions d’alimentations et de santés peuvent faire des erreurs avec l’alimentation de leurs enfants, qui amènent à des cas extrêmes, mais cela est valable pour tous les types d’alimentations.

Un bébé de 9 mois est mort en 2018 car ses parents le nourrissaient exclusivement de lait d’amande, ce n’est pas le régime végétalien qui a tué ce bébé, c’est le manque de connaissance des parents car il existe des préparations pour nourrisson végétales adaptés et qui apportent tous les nutriments dont ils ont besoins. Passé 6 mois, cet enfant aurait dû commencer la diversification alimentaire et donc apporter d’autres nutriments. Cependant les parents n’étant pas éduqués aux besoins nutritionnels, les besoins de leur enfants n’auraient surement pas été comblés.

Tout comme de plus en plus de très jeunes enfants sont élevés avec des nuggets à la main et des sodas dans le biberon qui leurs causeront sûrement, surpoids voire obésité, maladie cardiovasculaire, diabète...

Avec toutes ses informations, il est primordial de faire de la prévention et de l’éducation, car les personnes végétaliennes en générale ne le font pas simplement pour la santé, c’est tout un mode de vie et de pensée qui change le quotidien. Il est presque impossible de faire changer tout un mode de vie et de pensée à quelqu’un, il vaut mieux lui donner les cartes en mains pour réussir à équilibrer son alimentation plutôt que de remettre en question tout son schéma de pensé.



Conclusion


On peut conclure en disant que la littérature scientifique à ce sujet peut paraitre contradictoire car dans certains articles le végétalisme est diabolisé alors que dans d’autres, il est mis sur un piédestal. Néanmoins on peut constater que les articles scientifiques apportant le véganisme comme étant dangereux pour la santé ne parlent à aucun moment d’un régime alimentaire végétal bien mené, mais seulement de cas de végétaliens ne respectant pas les recommandations nutritionnelles. Les régimes végétaliens limitant l'apport énergétique, excluant un ou plusieurs groupes d'aliments, ne prêtant pas attention aux nutriments essentiels ou au statut de la vitamine D, et ne complémentant pas la vitamine B12 ne peuvent pas être considérés comme bien équilibrés.

C’est pour cela que je pense que oui, le végétalisme est compatible avec l’allaitement et qu’il peut même être bénéfique s’il est bien mené. Néanmoins, il est important que la mère ait un suivi diététique adéquat pour ne pas porter préjudice à sa santé ni à celle de son bébé, car un régime végétalien non-équilibré et non supplémenté en vitamine B12 peut avoir de lourdes conséquences. Le végétalisme entrant dans le mode de vie de plus en plus de personnes, il est important que le personnel de santé, particulièrement les diététicien/ne se sensibilisent à ce sujet. Leur rôle est donc de pour pouvoir conseiller au mieux leurs patients actuels et futurs, pour un accompagnement plus serein, sans rentrer en conflit avec l’idéologie du patient, ce qui serait contre-productif.


Annexes


Annexe 1 :




Annexe 2 :





Bibliographie


Rousset,C.BN15-1 : nutrition de la femme allaitante, 07/10/2019 à 21:08


Pérrichon,S. cours sur l’allaitement EDNH.


Wagnon, J., Cagnard, B., Bridoux-Henno, L., Tourtelier, Y., Grall, J. Y., & Dabadie, A. (2005). Breastfeeding and vegan diet. Journal de gynecologie, obstetrique et biologie de la reproduction, 34(6), 610-612.


Baroni, L., Goggi, S., Battaglino, R., Berveglieri, M., Fasan, I., Filippin, D., ... & Battino, M. A. (2019). Vegan nutrition for mothers and children: Practical tools for healthcare providers. Nutrients, 11(1), 5.


Pawlak, R. (2017). To vegan or not to vegan when pregnant, lactating or feeding young children. European journal of clinical nutrition, 71(11), 1259-1262.


Pawlak, R. (2017). To vegan or not to vegan when pregnant, lactating or feeding young children. European journal of clinical nutrition, 71(11), 1259-1262.


Roman, P., Qin, D., & Marta, S. (2014). Pregnancy outcome and breastfeeding pattern among vegans, vegetarians and non-vegetarians. Enliven: J Diet Res Nutr, 1(1), 004.


https://www.vegplate.info/servings.html

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