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Photo du rédacteurMorane Gillet

Les jus végétaux sont à la mode mais peuvent ils remplacer le lait de vache ?



Les jus végétaux connaissent un engouement tout particulier, qui se traduit par une augmentation des ventes jusqu'à 200% pour certains. Les Français restent cependant en retard par rapport à leurs voisins belge, avec 20% des foyers français qui consomment des jus végétaux, contre 40% en Belgique. Les raisons sont diverses et je les détaillerais dans ce travail de recherche. Le lait de vache quant à lui est très controversé, on entend tout et son contraire à son sujet, nous y reviendrons également plus tard.

Notre questionnement est le suivant : les jus végétaux, peuvent-ils remplacer le lait de vache ?

Pour permettre une bonne compréhension du sujet, nous allons commencer par définir les termes du sujet: qu’est-ce qu’un jus végétal, quelle législation l’encadre et quels sont les différents jus sur le marché. Ensuite, nous allons nous demander pourquoi les jus végétaux sont tant prisés par les consommateurs, puis nous allons confronter les jus végétaux et le lait de vache pour pouvoir faire un comparatif éclairé.


I. Les Jus végétaux

a. Législation


Selon une étude* « Perception du consommateur des produits végétaux », réalisée par Audirep pour le Cniel, auprès de 5 175 personnes interrogées en octobre 2017 :

- Un Français sur trois pense que les jus et desserts végétaux contiennent du lait de vache.

- Un Français sur deux pense que les boissons végétales apportent les mêmes nutriments que le lait.

- Plus de 6 Français sur 10 pensent que les boissons végétales peuvent nutritionnellement remplacer le lait de vache.

- 1 Français sur 5 pense que les jus végétaux comblent les besoins des bébés.


Par souci de concurrence et de clarté vis-à-vis du consommateur, il est interdit par la loi de nommer un jus végétale “lait”. Cette dénomination est protégée et se réfère “exclusivement au produit de la sécrétion mammaire normale, obtenu par une ou plusieurs traites, sans aucune addition ni soustraction” (texte de loi (EU) 1308/2013, Annexe VII partie III). L’application stricte de cette réglementation a été confirmée par un nouvel arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne le 14 juin 2017.


Quelques exceptions ont été faites en France par tradition telles que “lait d’amande” et “lait de coco”, la liste complète se retrouve dans la décision européenne 2010/791/UE.


*L’objectivité et donc la véracité de cette étude peut être discutée car elle a été menée par le centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL).




b. Les différents jus


Il existe une multitude de jus végétaux, à base d’oléagineux, de céréales, de légumineuses ou autres. On peut citer par exemple les jus de noisette, chanvre, soja, riz, quinoa, châtaigne…

Tous ont des procédés de fabrication et des propriétés nutritionnelles différentes que nous allons développer ci-dessous.


En ce qui concerne la fabrication des jus végétaux, elle diffère selon le souhait du producteur, de l’effet de goût, de texture recherché, et elle dure entre 8 à 12 heures. Les trois premières étapes sont communes à la fabrication de tous jus végétaux confondus :

  1. Récolte

  2. Trie

  3. Rinçage

  4. Décorticage

  5. Blanchiment

  6. Broyage (dans l’eau chaude)

  7. Mélange et ajout (sucre, phosphate de calcium, lithothamne, vitamines...)

  8. Stérilisation (pour une longue conservation)

  9. Conditionnement

  10. Stockage à température ambiante


Au niveau de la composition, les jus végétaux sont en général constitués à 90% d’eau et 10% de céréales ou graines, ses valeurs peuvent varier selon le producteur. L’ajout d’additif est presque systématique pour que le jus végétal ait des valeurs nutritionnelles proches du lait de vache.

Tableau des valeurs nutritionnels de différents jus/lait végétaux* :




*Pour les valeurs nutritionnelles de ce tableau je me suis tournée vers les produits bjorg enrichi en calcium qui sont les plus consommées en France. La table ciqual n’est pas à jour sur tous les produits et ne comporte pas les données des différents jus/laits végétaux ci-dessus. Le nutri-score et score NOVA viennent du site open food fact.


Grâce à ce tableau nous pouvons nous rendre compte que les jus et laits végétaux ont des valeurs nutritionnelles variables selon la céréale ou la graine utilisée. Pour que ces boissons soient intéressantes d’un point de vue nutritionnel, il leur faut des additifs (naturels ou non) ce qui leur procure le titre d’aliment transformé et même d’ultra-transformé pour certains



d. Remise en question des jus végétaux


  • Alerte : Nourrisson


“Mort d’un bébé exclusivement nourri au lait végétal” (Mélanie Rostagnat, BFMTV, 18/05/2017 à 11h32), cet article ne fut malheureusement ni le premier ni le dernier à dénoncés la mort ou un état grave de dénutrition chez le nourrisson nourri au jus végétale.


Dans un avis de l’Anses relatif aux risques liés à l’utilisation de boissons autres que le lait maternel et les substituts du lait maternel dans l’alimentation des nourrissons de la naissance à 1 an on peut apprendre qu’une alimentation exclusive au jus ou lait végétaux du nourrisson peut entraîner : une déshydratation, une hypochlorémie et hypokaliémie, une malnutrition sévère, des complicarions infecteieuse, un décès.

(Vous pouvez retrouver une partie de la saisine en Annexe 1)


Les bébés ont des besoins de croissance très spécifiques c’est pourquoi les jus végétaux ne sont pas destinés à la consommation de ces derniers, seul le lait maternel et les préparations pour nourrissons peuvent assurer leur bon développement.


En l’absence d’allaitement ou en complément de celui-ci, il est à noter qu’à chaque âge correspond un lait approprié : de 0 à 4-6 mois le lait premier âge, de 4-6 mois à un an le lait deuxième âge (ou « préparation de suite »), après un an mieux vaut privilégier le lait de croissance, par rapport au lait de vache, qui ne correspond aux besoins nutritionnels de l’enfant qu’à partir de 3 ans.

En cas d’intolérance du nourrisson aux protéines de lait de vache, des préparations pour nourrissons, formulées à partir de protéines végétales peuvent être prescrites par des médecins, mais il s’agit toujours de préparations spécialement formulées pour couvrir les besoins des nourrissons.

Certaines précautions particulières sont donc à prendre en compte pour la consommation de ces produits. Ils sont interdit au enfants de moins de 1 ans et déconseillé jusqu’à 3 ans.



  • Soja et phyto-œstrogène


Le soja jaune ( à ne pas confondre avec le soja vert ou haricot mungo) est un aliment nutritionnellement très intéressant, avec l’engouement pour les régimes végétariens et végétaliens la consommation de soja à fortement augmenté ces dernières années.

Certaines études montrent que les phyto-oestrogènes du soja ont un effet protecteur face à certains cancers, maladies cardio-vasculaire ainsi que sur la ménopause car l’incidence de ces pathologies est plus faible dans les pays asiatiques.

Cependant les phyto-oestrogene du soja ne semblent pas être toléré de la même manière en Europe où nous ne le consommons pas depuis des millénaires. Sa consommation aurait même des effets délétères sur le système endocrinien, le cancer, la grossesse, l’allaitement, la ménopause, la fertilité masculine, et comme nous l’avons vu plus haut sur les nourrissons et enfants en bas âge.


Les isoflavones de soja agissent comme perturbateur endocrinien sur l’oestradiol (une hormone sexuelle naturelle) ainsi que sur les troubles thyroïdiens.

Il est donc conseillé pour l’adulte bien portant de consommer une portion maximum par jour de soja et produits dérivés (ce qui inclut les jus de soja). Les jus de soja sont par contre déconseillé voir à proscrire chez les personnes atteintes d'hypothyroïdie, les femmes enceintes, les femmes ayant ou ayant eu un cancer du sein hormono sensible


  • Produit transformé voir ultra-transformé


Les recommandations du plan national nutrition santé (PNNS) conseillent de réduire les produits ultra-transformés par un principe de précaution et pour éviter les cocktails d’additifs. Il est donc important, si l’on choisit de consommer des jus végétaux, de les consommer avec le moins d'additifs possible voir de les faires soit même (mais dans ce cas là les valeurs nutritionnelles ne se rapprocheront pas de celles du lait de vache).


II. Pourquoi les jus végétaux sont-ils à la mode ?

a. Les produits laitiers remis en question


“Les produits laitiers sont nos amis pour la vie”, ce slogan que nous connaissons tous par coeur est aujourd’hui et depuis quelques années remis en question.

Nous pouvons lire dans la saisine nº 2011-SA-0261 que “Les pédiatres et les diététiciens observent une augmentation du nombre de parents utilisant ou souhaitant utiliser dans l’alimentation de leurs enfants des boissons végétales ou des laits non bovins. Les raisons évoquées par les parents (...) peuvent être liées aux controverses sur les effets de la consommation du lait de vache sur la santé”


b. Des consommateur sensibilisé aux questionnements environnementaux et éthiques


Depuis quelques années il existe un fort engouement pour les régimes végétariens* et végétaliens**. De nombreux documentaires et livres sont parus sur l'impact de l’élevage sur l’écologie, la santé, l’éthique qui ont marqué les esprits (cowspiracy, the game changer, antispéciste, steak, l’enquête campbell…).

Certains consommateurs ont donc fait le choix d’arrêter ou de ralentir leur consommation de lait de vache car ils pensent que c’est mieux pour la santé parce que ce sont des plantes, et que ce serait plus écologique.

Une étude de l’université d’Oxford datant de 2018 démontre que l'alimentation végétal en moyenne à moins d’impact sur l’environnement (annexe 2). Le lait de vache produit 2 à 3 fois plus de gaz à effet de serre qu’un jus végétal et occupe plus de terres agricoles et demande plus de ressources en eau. Mais pour autant les jus végétaux ne sont pas irréprochables. Le lait d’amande et le jus de riz, par exemple, sont très demandeur en eau.


* Régimes alimentaires excluant la viande, le poisson et leurs dérivés.

** Régimes alimentaires excluant tous produits d'origine animale de l’alimentation (viande, poissons, œufs, produits laitiers).




c. L’augmentation des intolérances au lactose


Environ 41% de la population française est intolérante au lactose, certains se tournent vers des laits délactosés tandis que d’autres ont vu l'apparition des jus végétaux comme une vraie aubaine pour remplacer le lait de vache dans leur alimentation.


Toutefois il est important de faire attention aux potentielles allergies pouvant être rencontrées avec les jus végétaux, notamment pour les patients coeliaque qui ne devront pas consommer de jus contenant du gluten comme celui d’avoine ou d’orge par exemple.



III. Peuvent-ils remplacer le lait de vache ?

a. Valeurs nutritionnels


Comme nous pouvons le constater en annexe 3 :


Le jus de soja est légèrement moins énergétique que le lait de vache et les quantités de protéines sont similaires (malgré que le jus de soja en contienne légèrement plus).

La nature des protéines est différente :

  • Protéines animales pour le lait, qui sont de haute qualité, avec une haute valeur biologique et un bon coefficient d’utilisation digestive.

  • Protéines végétales pour le jus. C’est le seul jus végétal qui contient tous les acides aminés mais son coefficient d’utilisation digestive est moins intéressant. Cette boisson pourrait correspondre aux personnes allergiques aux protéines de lait de vache.

Le jus de soja contient plus de lipides que le lait ½ écrémé. En ce qui concerne la répartition des acides gras du jus :

  • Il ne contient pas de cholestérol

  • 50% d’acide gras polyinsaturés, 35% d’acide gras monoinsaturés, alors que dans le lait il existe une majorité d’acide gras insaturés.


Au niveau des glucides, les deux produits sont composés de glucides simples. Le lait est plus riche car le soja est un protéagineux.

Il est intéressant pour les personnes intolérantes au lactose de consommer du jus de soja.

Le jus de soja est supplémenté en fructose ce qui augmente la teneur en glucides (1% des boissons de soja n’ont pas de glucides ajoutés).

En ce qui concerne les fibres, le jus de soja est plus intéressant.

En sodium les valeurs sont similaires.

Le lait de vache est riche en calcium, avec une bonne disponibilité tandis que le jus de soja aura une disponibilité amoindri du à son origine végétal (lithotamne).

Présence de phyto-oestrogènes donc attention pour les personnes à risques comme vu plus haut.


On peut noter que grâce à l’enrichissement en calcium des jus de soja, leurs valeurs nutritionnelles sont similaires à celles du lait de vache, les deux aliments sont donc semblables. J’ai fait le choix du jus de soja dans cette comparaison car il semble être le jus végétal le plus avantageux au niveau nutritionnel.




b. schéma de fabrication





Le lait et les jus végétaux n’ont rien en commun dans leur fabrication.

L’un est de source animale, l’autre végétale, le lait ne connaît aucun ajout, c’est un aliment complet à lui seul (contient protéines, lipides et glucides naturellement) au contraire, le jus végétal est un aliment transformé auxquelles on ajoute des additifs pour qu’il soit nutritionnellement intéressant.



Conclusion


L’engouement pour le jus végétal s’explique par plusieurs facteurs, une méfiance grandissante envers les produits laitiers, des consommateurs sensibilisés aux questions environnementales et éthiques, une grande part de la population intolérante au lactose.

Cependant cette méfiance envers le lait ne trouvant pour le moment aucune validation scientifique, nous ne pouvons qu’affirmer que le lait de vache reste une source fiable, intéressante et naturelle de calcium, protéine, vitamines et minéraux.

Les jus végétaux peuvent être utiles en cas d’intolérance au lactose seulement s'ils sont enrichis en calcium.

Les jus végétaux étant dans la majorité des cas enrichi à l’aide d’additifs, ce qui en fait des aliments transformés, il est indispensable de veiller à prendre un jus végétale avec une liste d'ingrédients la plus réduite possible et avec des additifs nutritionnellement profitables si l’effets recherché est d’imiter un lait de vache. Si le but n’est pas d’imiter le lait de vache un jus végétal s’apparente à une boisson sucrée je pense donc qu'il est plus intéressant de manger une poignée d’oléagineux ou une portion de céréales/légumineuse cuite que de consommer du jus végétal.

Le lait de vache et les jus végétaux sont deux produits complètement différents, le jus ne contient pas naturellement tout ce que le lait apporte, on peut donc pas dire qu’il le remplace. L’ANSES déconseille le remplacement du lait par des substituts.





Annexes


Annexe 1 : Avis de l’Anses, saisine nº 2011-SA-0261 relatif aux risques liés à l’utilisation de boissons autres que le lait maternel et les substituts du lait maternel dans l’alimentation des nourrissons de la naissance à 1 an




Annexe 2 : « Which milk should I choose ? », graphique de la BBC, Étude « Reducing food's environmental impacts through producers and consumers.» de Poore & Nemececk



Annexe 3 : Tableau des valeurs nutritionnels du jus de soja enrichi en calcium et du lait demi-écrémé UHT



Annexe 4 : Exemple d’étapes de fabrication du jus de soja par Yung Soon Lih food machine Co





Sitographie


  • Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne, 14 juin 2017

  • Cours sur les jus végétaux et leurs recommandations, Publié par Camille Rousset le 12/01/2021

  • Règlement (UE) No 1308/2013 du parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013

  • Étude « Perception du consommateur des produits végétaux », réalisée par Audirep pour le Cniel, auprès de 5 175 personnes interrogées, octobre 2017.

  • Valeur nutritionnelle des jus/laits végétaux cités page …

  • Avis de l’Anses, saisine nº 2011-SA-0261 relatif aux risques liés à l’utilisation de boissons autres que le lait maternel et les substituts du lait maternel dans l’alimentation des nourrissons de la naissance à 1 an

  • B. Le Louer, J. Lemale, K. Garcette, C. Orzechowski, A. Chalvon, J.-P. Girardet, P. Tounian, Conséquences nutritionnelles de l’utilisation de boissons végétales inadaptées chez les nourrissons de moins d’un an, Archives de Pédiatrie, Volume 21, Issue 5, 2014,

  • Thèse, Le soja : influence de sa consommation sur la santé humaine et conséquences de l'expansion de sa culture au niveau mondial, Labat Elodie, 29 novembre 2013

  • Recommandation PNNS sur les produits ultra-transformé

  • Étude « Reducing food's environmental impacts through producers and consumers.» de Poore & Nemececk

  • Publication de l’université de Cambridge, Dietary options to reduce the environmental impact of milk production, 4/10/2016

  • Thorning, T. K., Raben, A., Thorning, T., Soedamah-Muthu, S. S., Givens, I., & Astrup, A. (2016). Milk and dairy products: good or bad for human health? An assessment of the totality of scientific evidence. Food & Nutrition Research, 60.

  • de Vrese M, Stegelmann A, Richter B, Fenselau S, Laue C, Schrezenmeir J. Probiotics--compensation for lactase insufficiency. Am J Clin Nutr. 2001 Feb;73(2 Suppl):421S-429S. doi: 10.1093/ajcn/73.2.421s. PMID: 11157352.

  • Ciqual, Boisson au soja, nature, enrichie en calcium, préemballée

  • Ciqual, Lait demi-écrémé UHT



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